Les paradoxes de Zénon

Dans le numéro de janvier 1995 de Pour la Science, un article examinait la résolution des paradoxes de Zénon. Vers 445 avant J.C. Parménide et Zénon d'Elée rencontrèrent Socrate pour débattre de problèmes philosophiques. Ils lui soumirent 3 paradoxes qui ont tenu tout le monde en échec jusqu'à notre époque :

1) Une tortue défie le héros Achille à la course. Elle lui demande de lui laisser une longueur d'avance et celui ci accepte. S'élançant à sa poursuite, il parcourt en un instant la moitié de la distance qui les sépare. Il arrive ensuite aux 3 quarts, puis aux 7 huitièmes, etc. Mais comme il lui reste toujours une partie de la distance à parcourir, il semble qu'il ne puisse jamais rattraper la tortue.

2) Une flèche est tirée vers une cible. Avant qu'elle n'arrive à la moitié du trajet, elle doit d'abord en parcourir le quart. Si on poursuit ce raisonnement un nombre indéfini de fois, on en se replace à l'instant du départ - alors que la flèche est immobile - et la conclusion est que le mouvement ne peut pas commencer.

3) En imaginant une flèche sur sa trajectoire à un instant précis, on la voit occuper un emplacement donné et on ne constate aucun mouvement. Ceci étant vrai pour tous les instants du parcourt, la flèche n'est jamais en mouvement.

L'auteur de l'article a proposé une solution des paradoxes fondée sur l'analyse non standard, basée sur les nombres infinitésimaux. J'ai pensé à une autre possibilité :

1) Pour qu'Achille parcoure la moitié de la distance qui le sépare de la tortue, il faut une durée t. Pour aller de la moitié aux 3 quarts, la durée est t/2, et ainsi de suite. Dans le raisonnement, l'échelle temporelle est systématiquement réduite, donc le terme jamais n'a pas de signification quand on dit "Achille ne rattrape jamais la tortue".

3) Il est vrai que l'on ne perçoit pas le mouvement de la flèche à un instant donné. Pour en voir le déplacement, il faut l'observer pendant un temps delta t. Si l'on percevait un mouvement quand delta t vaut 0, cela voudrait dire que la vitesse de la flèche à ce moment est infinie. Un "mouvement nul" pour delta t = 0 signifie seulement que la vitesse n'est pas infinie et qu'elle est inobservable dans ces conditions.

2) A l'instant 0, juste au départ de la flèche, elle a bien commencé son mouvement mais là aussi il est inobservable.

Ma conclusion est que ces paradoxes viennent simplement du fait que la dimension temps était mal employée et non maîtrisée par ceux qui les énonçaient. Je ne trouve pas de défaut dans les raisonnements ci dessus mais il me semble étrange que ces problèmes aient résisté si longtemps si la solution est aussi simple.

Christian Trévarin