Parallélisme à la masse
L'expression qui dit "l'union fait la force" n'est pas synonyme de "l'uniformité fait la force". Dans un endroit où chacun tient à ressembler à la norme pour avoir un minimum de soucis, qu'est-ce qui circule mieux que les lieux communs et les sujets bateaux ? Quand quelqu'un est plongé dans un milieu homogène, comme une ville où il passe tout son temps, quelle perception immédiate de cet environnement peut-il avoir ? Tout lui ressemble : ses voisins qui se lèvent aussi pour aller travailler le matin, les journaux livrant des nouvelles formatées, les émissions de télévision qui tiennent compte de l'audimat et doivent donc trouver un large public, les lieux qu'il traverse qui ont été construits par ses semblables en respectant les habitudes de la majorité, etc.
Vers quoi le poussera une telle situation ? Si partout où il regarde il ne voit que des reflets proches de ses idées il va probablement se dire : j'ai raison de le penser puisque tant de gens sont persuadés de la même chose ; ils ne peuvent pas être tous dans l'erreur. Mais c'est oublier un point qui n'est pas un détail : chacune des personnes qu'il voit agir raisonne - du moins en apparence - de la même façon. Toutes sont en situation de douter qu'elles doivent aller à l'encontre des schémas acceptés par une écrasante majorité. La télévision, parce que les images qu'elle nous apporte sont censées être brutes et que le réflexe courant n'est pas de se dire "des choix ont forcément été réalisés pour leur sélection", est un fort vecteur d'uniformisation. Ceux qui n'ont aucune conscience de tels phénomènes risquent de faire des erreurs communes à tous sans imaginer une seconde que des solutions différentes sont envisageables. En fait le nivellement est un bon moyen d'obtenir une collection de glands.
Mais si quelqu'un s'extrait à intervalles plus ou moins réguliers d'un tel environnement pour en trouver un vraiment différent, est-ce que cela lui permettra de mieux voir où la masse se fourvoie ? Je suis persuadé que s'il y passe le temps nécessaire à chaque fois cela doit donner certains résultats. Mais je crois qu'en se fixant uniquement sur le deuxième milieu il tomberait dans des erreurs similaires (le progrès vient de l'examen des contradictions). L'endroit lui-même doit avoir son importance. Par nos sens, nous ne sommes jamais totalement coupés de ce qui nous entoure et ce que nous en voyons, ce que nous y entendons ou pas, les diverses perceptions, ont logiquement un écho dans notre façon de penser.