L'identification
En sémantique générale, le terme identification désigne le fait de confondre 2 objets ou 2 événements comme s'ils étaient des copies exactes l'un de l'autre alors que par définition cela ne peut jamais être le cas. L'observateur ne perçoit pas tous les détails mais plutôt une situation globale. Par exemple, une personne qui a été mordue par un chien il y a des années pourra avoir peur chaque fois qu'elle en verra un autre même s'il ne montre aucun signe d'agressivité. Cette réaction ayant d'autant plus de risques de se produire que la personne avait peu d'expérience de ces animaux à l'époque de l'accident.
Comme il y a un lien évident entre son souvenir et la peur présente, on aurait tendance à se dire que le cerveau est un gros fainéant qui se contente de ressortir ce qu'il a en stock mais ce serait aussi une identification. En réalité, le système nerveux, qui s'est transformé au cours de centaines de millions d'années, a dû très tôt faire face à des situations où une réponse quasi instantanée était nécessaire. Et comme l'évolution se déroule plutôt par ajout progressif de nouvelles fonctions sur ce qui existe, des vestiges restent présents. Ils sont malheureusement susceptibles de mener à des comportements inappropriés : si un chien qui se méfie voit que vous avez peur, il est possible qu'il réagisse mal à son tour.
Cela se complique avec la particularité qu'a l'homme de transmettre la culture grâce au langage. En effet, une attitude particulière peut ne pas venir d'un souvenir personnel mais de la représentation que nous nous faisons de quelque chose d'après ce que les autres nous en ont rapporté. Ainsi quelqu'un sera éventuellement xénophobe sans avoir côtoyé d'étranger ou un Américain anticommuniste alors que c'est plutôt une denrée rare dans ce pays. L'enseignement à retirer de la sémantique générale est que la signification attribuée à un événement est nettement prioritaire sur les données exactes qui lui correspondent.
La solution s'il y en a une, c'est la conscience d'abstraire. Abstraire signifie ici extraire seulement une partie des informations disponibles, ce que nous faisons sans arrêt. Par exemple, 2 chaises peuvent être vues comme identiques après un examen attentif alors qu'à partir d'un certain niveau de détail (négligé) elles ne le sont plus du tout. La façon dont nous les considérons quotidiennement se résume grosso modo à "cela permet de s'asseoir" alors qu'au moment de les acheter ce serait plutôt "elles correspondent bien avec la façon dont je veux aménager la pièce". Si l'une des chaises a un défaut invisible qui la fera céder au bout de plusieurs années d'utilisation, il aura toujours été là sans que l'on s'en préoccupe jusqu'à ce jour. Une réaction inappropriée peut avoir lieu mais il faut être conscient qu'elle ne va pas de soi, que c'est la vie qui nous a conditionnés à une époque donnée. Ainsi, après un moment d'inadaptation, il est possible de chercher à rectifier le tir et, si elle était étonnante ou problématique, à creuser la question qu'elle soulève pour mieux faire face plus tard.