Substitution

La notion de karma, déjà présente dans les tous premiers documents écrits de l'Inde (1500 avant J.C.), est le dogme fondamental de l'hindouisme. Il s'agit de la conception selon laquelle la destinée d'un être vivant est déterminée par ses actions dans ses vies antérieures. L'individu ne serait que transitoire, un maillon dans une chaîne de vie (samsara) et l'énergie liée a chaque acte serait conservée, si bien que d'une vie à l'autre un être pourrait évoluer positivement ou négativement.

L'idée du karma dépend intimement de celle du dharma (mot dérivant de la racine dhar, "ce qui tient ensemble"). Le dharma est le concept de loi universelle de la nature, pour le cosmos comme pour chaque être individuel, loi qui lui est assignée selon sa naissance dans un endroit particulier où il remplit un rôle défini. On appelle svadharma le devoir propre de chacun, la disposition naturelle dans laquelle il se trouve et qu'il doit suivre, ceci incluant pour l'hindou la caste de naissance qui ne peut être quittée.

On peut se demander ce qui justifie la mise sur pied d'une telle conception. Le résultat en est de substituer à une logique pragmatique une logique de la fatalité. Untel, dont les capacités auraient pu être utiles à la communauté, restera toute sa vie un intouchable, dont la présence (ou même la vue) sera considérée comme une cause de souillure. Qu'une société qui se présente comme non-violente produise une telle violence sociale, voilà une contradiction pour le moins paradoxale.

Et que dire des veuves traitées en parias parce que jugées responsables d'une certaine façon de la mort prématurée de leurs maris ? Des gens meurent dans la rue en Inde mais tout est quand même pour le mieux dans le meilleur des mondes, dans une société qui se veut orientée vers la spiritualité mais se révèle inerte, pour ne pas dire réactionnaire. Il est vrai qu'il n'y a pas plus efficace pour maintenir un système que de délimiter strictement la "marge de pensée" de chacun. Ceux qui s'attachent à le conserver tel quel devrait pourtant réfléchir à un point : ils sont eux-mêmes des produits du système.