Un paradoxe taoïste
Voici une phrase tirée du Tao Te King : "Plus on voit fleurir lois et règlements plus on récolte de voleurs et de brigands". En première lecture on peut se demander si ce ne sont pas les habitudes de la culture occidentale qui nous donnent l'impression qu'il est ici question de laxisme. En fait, l'idéal de non-agir développé dans toute la pensée taoïste montre bien que le sens est : pour éliminer un problème, il faut uniquement modifier le cadre dans lequel il est considéré et non pas s'attaquer à son origine. Ceci est à rapprocher de la notion d'amor fati utilisée par Nietzsche ("apprendre toujours davantage à voir le beau dans la nécessité des choses"). Celui ci poussait son raisonnement jusqu'à vouloir s'identifier à la nécessité irrationnelle et a écrit à ce sujet "Je suis moi-même le fatum et depuis des éternités c'est moi qui détermine l'existence". Pour lui "un tel esprit libéré apparaît au centre de l'univers, dans un fatalisme heureux et confiant [ ]".
Ce n'est pas le seul point commun. Pour le taoïsme il n'existe pas de situation constante. Tout n'est que transformations continues, caractérisé par les mouvements progressifs de yin vers yang et de yang vers yin. Le temps lui-même n'est pas linéaire mais cyclique. Nietzsche considérait que "le caractère de l'ensemble du monde est de toute éternité celui du chaos, en raison non pas de l'absence de nécessité, mais de l'absence d'ordre [ ]". Il a développé le thème de l'Eternel Retour (les évènements finissent toujours par se reproduire un nombre indéfini de fois) : "on veut le cycle éternel : les mêmes choses, la même logique ou le même illogisme des enchaînements. Etat suprême auquel puisse atteindre un philosophe : une attitude dionysiaque en face de l'existence [ ]".
Le fait de traiter de la même façon les affaires humaines et tout ce qui vient de l'univers qui nous entoure, de ne pas différencier ce qui est accessible et ce qui ne l'est pas, est-il une forme de philosophie ou un manque de discernement ?