La boite de Pandore
En théorie les Organismes Génétiquement Modifiés devraient permettre de disposer de végétaux et d'animaux améliorés par rapport à une souche d'origine (du moins pour ceux qui les auront mis sur le marché). On a par exemple parlé de spécimens résistants à certaines maladies ou parasites, qui nécessiteraient moins de traitements en tous genres. Cependant, de telles particularités impliquent la fabrication par l'OGM de molécules qui n'étaient pas présentes chez ses ascendants.
Croire qu'il est innocent de réaliser une telle manipulation dans des plantes destinées à l'alimentation, c'est méconnaître la façon dont chaque espèce est corrélée aux particularités de son environnement. Si nous consommons sans problème tel ou tel produit naturel c'est parce que depuis très longtemps les individus qui y étaient adaptés ont été favorisés par rapport à ceux qui ne l'étaient pas et se sont imposés au bout de n générations. Les différents végétaux, herbivores, carnivores, etc. évoluent ainsi en parallèle depuis des centaines de millions d'années (coévolution). Dans l'organisme humain sont dénombrées environ 100000 espèces de protéines. Elles ne sont pas "juxtaposées" : il y a des enchaînements et des cascades de réactions. Introduire de façon généralisée dans l'alimentation une molécule "créée de toute pièce" c'est risquer de provoquer une ou plusieurs maladies (connues ou non) dans des fractions de la population.
Les choses ne sont guère plus rassurantes en ce qui concerne les écosystèmes. Court-circuiter un ou plusieurs maillons signifie déséquilibrer un ensemble et si un gène donné se répand en dehors des cultures il ne sera plus question de rattraper le coup. Les espèces animales n'ont pas de plans dans leur comportement global. Les criquets qui dévorent tout à Madagascar n'ont pas décidé un beau jour de se multiplier comme un nouveau fléau. C'est simplement la modification de l'environnement, probablement par le défrichement nécessaire à l'agriculture, qui a fait basculer le système d'un état stable vers un futur état indéterminé.
On peut alors penser qu'il suffit de réaliser les manipulations en appliquant des contrôles stricts, comme par exemple pour les colorants alimentaires. Mais, pour intervenir dans les mécanismes propres des cellules, les contraintes ne sont pas du tout les mêmes, ni les enjeux. C'est essentiellement le profit rapide qui détermine les décisions des entreprises concernées. Le darwinisme économique veut que pour ne pas risquer d'être plus tard écrasé par un de ses concurrents, il faille aller plus vite qu'eux et s'étendre soi-même sur le marché. Qui pourrait soutenir que dans ces conditions une marge de sécurité soit garantie à tout moment ?