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Notre lot à tous

Même si nous refusons d'y penser, l'idée de notre mort inéluctable doit jouer un rôle certain dans notre psychologie. C'est tout à fait le genre de choses qui sont repoussées alors que malheureusement elles ne peuvent pourtant qu'être présentes. Il y a en effet une contradiction physique qui ne peut être contournée : le corps dont la finalité est de vivre et d'agir deviendra inerte et au bout du compte "retournera à la poussière". Une telle dichotomie doit avoir des effets inévitables mais différents selon les personnes et leur perception de leur existence. L'un des choix possibles est de vouloir laisser quelque chose qui en vaille la peine. Par exemple, cela pourrait être une explication de l'acharnement de Karl Marx à terminer un travail théorique alors même que lui et sa famille étaient accablés par les problèmes matériels et de santé.

Mais une telle évidence aboutit certainement à des choses très différentes en fonction des individus après être "remontée" et être passée au travers du réseau que constitue la personnalité, avec la mémoire sur laquelle elle se fonde. La capacité à l'affronter ou non doit déjà représenter un "aiguillage". Cependant la situation de la personne est probablement un point important, les possibilités apparentes dont elle dispose. Celui qui se retrouve ne plus devoir rendre de comptes à quiconque (ou qui l'imagine), comme au sommet d'une hiérarchie, peut soudain déraper si quelque chose l'y pousse. Il pourrait avoir la tentation "d'oublier" ses propres limitations - d'autant plus que "s'il est là c'est qu'il y a une raison" - ou de virtuellement effacer des échecs qui n'ont pas été digérés pour une raison ou une autre. Comme nous marchons tous vers la même conclusion, il vaudrait sans doute mieux avoir la sagesse de ne pas nier qu'il y a un risque pour tout un chacun de se laisser déborder par ses propres angoisses existentielles.