Une "vie plus longue"

Depuis une époque reculée, l'une des grandes préoccupations des taoïstes était la possibilité d'atteindre l'immortalité, non pas celle de l'âme mais bien celle du corps. Leur conception du temps était celle d'un phénomène cyclique, d'un passage du Yin au Yang et inversement, d'une succession indéfinie de transformations. Pour eux, le tao omniprésent et indéfinissable était entre autre caractérisé par l'absence d'espace et de durée et ils pensaient qu'en réussissant à s'identifier à lui ils accéderaient ici bas à une béatitude éternelle. Leur alchimie, aussi bien interne qu'externe (il y avait une interrelation), était une méthode qui devait leur permettre de progresser dans cette voie.

Mais nos propres connaissances nous indiquent plutôt qu'une situation matérielle (ou une configuration) n'est jamais retrouvée à l'identique, notamment d'après les recherches sur le chaos. Il ne peut pas y avoir de parfaite stabilité. Les processus biologiques, extrêmement complexes, ont intégré la mort sans doute de part la nécessité du renouvellement et il n'y a guère d'espoir de pouvoir intervenir avec succès à un tel niveau.

D'une manière un peu curieuse, le Chan (l'école bouddhiste chinoise qui s'est implantée ultérieurement au Japon sous le non de Zen) donne une approche très différente. Le but premier est d'atteindre l'illumination et cela ne peut pas se transmettre par le discours comme une connaissance classique. Il y a donc toute une démarche, avec par exemple des exercices de réflexion sur des paradoxes insolubles (certaines questions n'ont pas de réponse), pour faire avancer l'élève. Il est dit que ceux qui parviennent au résultat attendu doivent "s'élever encore d'un degré" mais que cela consiste simplement à réaliser les actes de la vie ordinaire. En fait, le principe n'est pas de rechercher l'immortalité mais de faire en sorte de vivre au maximum chaque moment, car notre véritable problème est le gaspillage du temps. Celui qui se fourvoie en poursuivant un but qui ne lui correspond pas peut perdre des années sans rien comprendre à son erreur et à la raison de son insatisfaction.