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La méthode Socrate

Socrate a initié en Grèce un mouvement de pensée qui s'est poursuivi avec Platon et Aristote. Bien qu'il ne soit pas possible de savoir quel rôle a tenu l'éducation qu'il avait reçu dans le développement de l'innovation qu'il a proposée car il n'a apparemment rien écrit lui-même, il est permis de penser que c'est sa confrontation aux sophistes qui en est le point clé. Ceux ci enseignaient contre rémunération l'art de convaincre des auditeurs pour tout sujet abordé. Ils ne se préoccupaient pas de la véracité des arguments employés mais seulement de l'effet qu'ils produisaient : un sophisme est un raisonnement qui n'est logique qu'en apparence et conçu avec l'intention d'induire en erreur. Nul doute que cette façon de procéder a dû choquer Socrate pour qui la justice et la vérité étaient si importantes et qu'il a vu le danger qu'elle représentait par son application dans la vie politique de sa cité, Athènes. Son approche personnelle est destinée à affronter le mensonge et les conceptions erronées pour s'en débarrasser. Elle est résumée en 3 points : la dialectique, la maïeutique et l'ironie socratique.

La dialectique est la technique destinée à confronter 2 opinions divergentes pour en faire sortir la vérité, quelle qu'elle soit. C'est par l'examen d'objections successives que le débat ou la réflexion progresse. Il est à noter que Socrate prétendait qu'il "savait seulement qu'il ne savait rien" et qu'il demandait l'approbation de ses arguments à ses interlocuteurs. Il les amenait progressivement à mettre à jour leurs contradictions. Dans son optique, si l’on veut faire valoir son opinion personnelle, il faut admettre le risque de sa propre erreur et ne pas persister quand elle est découverte. Sa façon de faire est donc propre au dialogue, contrairement à celle des sophistes qui tient plus du monologue car le but est alors de s’imposer aux auditeurs par son éloquence.

La maïeutique est " l’art d’accoucher les esprits ". Le procédé consiste à faire découvrir à l’interlocuteur une vérité qu’il a présente en lui mais qu’il ignore. Pour cela Socrate opérait pas à pas, en guidant l’autre par une suite de suggestions que celui ci acceptait comme logiques. Le résultat était que la personne arrivait ainsi à une conclusion qu’elle ne soupçonnait pas au départ. Pourtant Socrate restait en retrait durant l’entretien. Seul son esprit logique travaillait. Selon ses dires, c’était l’autre qui apportait tous les éléments. L’idée de base est qu’il y a en chaque homme une cohérence qui est souvent masquée par des croyances non approfondies.

En usant de l’ironie socratique, il approuvait dans un premier temps les arguments de l’interlocuteur pour qu’il aille au bout de son raisonnement, tout en sachant qu’il se contredirait. Pour cela il fallait avoir une maîtrise certaine du sujet abordé. Le " truc " était que Socrate voyait clairement les implications des développements de celui avec qui il parlait. Il en percevait les incohérences à l’avance et n’avait plus qu’à amener l’autre à l’endroit où il s’en rendrait compte lui-même.

Cette méthode, que le philosophe a utilisé face aux différents rhéteurs de son époque, pourrait être utile avec des gens qui n’arrêtent pas de mentir, à eux-mêmes et à tous les autres (il faut tenir son rang). Pour tourner la difficulté de leur faire exprimer leurs arguments, il faudrait peut être expliciter ce qu’ils cherchent à dire de façon détournée (même en donnant les diverses interprétations possibles) avant de leur fournir les éléments qui paraissent alors judicieux. Il n’est pas certain qu’ils fuient en étant placés dans une telle situation car cela signifierait qu’ils admettent leur échec.

Christian Trévarin