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L'éthique de Spinoza

L'ouvrage principal de Spinoza s'appelle L'éthique. L'auteur annonce lui-même "démontrée selon la méthode géométrique" : c'est un traité de philosophie développé en 5 parties (sur Dieu, l'esprit, les sentiments, etc.) suivant une progression, chacune s'appuyant sur les précédentes selon un ordre voulu très rigoureux. Pour le spinozisme, Dieu, la nature et la vérité sont une même chose mais il y a une échelle de perfection descendant de l'absolu qui est Dieu vers les choses les plus particulières. Tout dans la nature est réglé par la nécessité, y compris les idées et sentiments humains. L'homme doit souhaiter progresser vers une plus grande perfection en "réformant son entendement", c'est-à-dire en prenant conscience de ce qui est la cause de ses passions, jusqu'à finalement adopter la "vision de Dieu" où tout événement est normal et ne provoquera plus d'affliction, augmentant du même coup sa "puissance d'agir". La béatitude est la compréhension de la nécessité des choses.

Comme, selon le raisonnement de Spinoza, cette philosophie doit amener plus de fraternité, chacun pourrait compter sur le soutien de plus expérimentés pour avancer. Mais c'est là qu'apparaît un problème car, comme tout événement est neutre, il n'y a aucune garantie que les projets d'un mentor concernant un individu particulier correspondront à ce qu'il attend. A franchement parler, la façon dont la théorie est présentée fait même penser au raisonnement d'un psychotique qui tient à ce qu'il ne se produise rien d'imprévu qui le dépasserait parce qu'il serait incapable de s'adapter. Le doute s'accentue en lisant les définitions des sentiments données dans la partie De l'origine et de la nature des sentiments, compactes mais vraiment approximatives. On note aussi dans l'ensemble un manque de nuance, comme quand il écrit que comme les animaux ne sont pas humains, ce qui leur arrive n'a aucune importance. Je dirais que ce qu'un psychotique cherche à démontrer est plus significatif que la façon dont il procède pour cela.

Cette échelle vers une perfection abstraite n'a bien sûr rien à voir avec la démocratie puisqu'elle implique que l'opinion ou la parole d'untel n'auront pas la même valeur que celles d'un autre considéré situé à un stade différent. D'ailleurs, une échelle unique soulève des questions : est-ce qu'un sprinter ramenant une médaille olympique est moins "parfait" qu'un mathématicien ? Pourtant il s'est entraîné de nombreuses années et a participé à des compétitions de niveaux de plus en plus élevés pour y parvenir. Sans compter que ceux qui n'ont jamais été à sa place auront bien du mal à saisir quelles sont les conditions dans lesquelles il doit être pour réaliser la meilleure performance. Moi j'ai nettement l'impression que celui qui prétend qu'il n'y a dans l'absolu qu'une seule "mesure" veut en fait dire qu'il est lui-même la référence, que la perfection doit être considérée par rapport à lui.